13 Août 2019 : Une Journée nationale de la Femme en demi-teinte en Tunisie

Danièle NOËL
TUNISIE FEMME
(© MoDem 54)

La Tunisie fête deux journées dédiées aux femmes : celle du 8 mars, date de la Journée Internationale pour les Droits des Femmes et celle du 13 août, date-anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel (CSP), qui est devenu un jour férié;

Le 13 août 2018, cette journée nationale de la Femme avait fait beaucoup parler.

Pour rappel, c’est à cette date qu’à Carthage, le défunt président Béji Caïd Essebsi avait prononcé un discours marquant dans l’histoire contemporaine de la Tunisie.

Il avait ainsi déclaré : “ L’État n’a pas de lien avec la religion ou encore avec le Coran. Nous œuvrons sur la base de la Constitution dont les dispositions sont impératives. L’État tunisien et un État civil et celui qui prétend que le référentiel de la Tunisie est un référentiel religieux a tort ! ”

Il fut le premier homme d’État dans le monde musulman à avoir prononcé cette affirmation de manière officielle.

Ce même 13 août 2018, le président tunisien annonçait un projet de loi sur l’égalité successorale par le recours à un amendement au code du statut personnel (CSP), qui avait été rejeté en 1956 par les oulémas tunisiens.

Ce projet de loi était très attendu par les progressistes et les féministes en Tunisie puisque l’héritage y est totalement inégalitaire. En effet, la transmission de l’héritage familial est l'un des rares cas où le droit musulman est appliqué en Tunisie et où la charia accorde aux hommes une part double par rapport à celle des femmes.

Quid de la journée nationale de la femme 2019 ?

Elle n’a pas fait grand bruit, ni dans la presse, ni dans le monde politique. Seuls quelques mouvements féministes ont fait entendre leurs voix.

La disparition brutale, le 25 juillet dernier, du président Béji Caïd Essebsi , «Bajbouj», comme le surnomment les Tunisiens, en est peut-être la cause. Béji Caïd Essebsi avait bien conscience qu’entre modernité et traditions, le changement sociétal ne peut se faire qu’en changeant la condition des femmes.

Malgré des acquis de taille pour les droits des femmes en Tunisie tels que l’inscription dans la Constitution de 2014 de l’égalité et la parité, la loi relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ou encore le respect de la parité hommes-femmes lors des élections municipales 2018 (fait inédit dans le monde arabo-musulman) “ Bajbouj ” ne sera pas parvenu à mettre en place les réformes espérées.

Le CSP ne rompt toujours pas avec l’esprit patriarcal.

La Constitution tunisienne est encore bourrée de contradictions et les partisans de la régression se regroupent derrière le parti islamiste Ennahdha pour ruiner les fondements de l’État moderne et les acquis que ce dernier a pu réaliser pour l’émancipation des femmes.

Qu’une femme tunisienne soit encore dépendante d’une dot pour pouvoir se marier est totalement anachronique.

Quant au projet de loi pour l’égalité dans l’héritage, déposé au Parlement en janvier, il n’a toujours pas été débattu.

Le risque reste présent de voir les avancées juridiques rattrapées par la régression sociale.

Depuis la révolution de 2011, certains hommes se font critiques sur l'émancipation des femmes, notamment hors des villes. La critique serait compréhensible dans un pays qui connait un changement démocratique historique si ce n’est que le nombre de viols et de violences sexuelles a augmenté et que la justification de cette violence est amenée comme une « réaction » à cette modernité.

Peu de mesures concrètes ont été entreprises pour appliquer la loi organique du 11 août 2017 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

Ce sont donc pour l’heure les associations qui montent au créneau. Elles dénoncent de surcroît la situation alarmante de la santé sexuelle et reproductive des femmes, révèlent une mise à mal de la politique de contraception et de planning familial. L’une d’elle s’exprime ainsi :

“ Le corps des femmes, en Tunisie et dans le monde arabe, est désormais un champ de bataille entre traditionalistes et modernistes. ”

Le conservatisme moral et religieux a créé des zones de non-droit qui affecte les femmes des classes populaires, les plus démunies.

La lutte contre le chômage, les inégalités de salaire, pour les travailleuses agricoles notamment sont des priorités vitales alors que vient s’ajouter un facteur dont il a peu été question jusqu’à présent : celui de la question écologique et environnementale.

Là encore, les femmes sont parmi les plus touchées. Elles sont les premières victimes de la pollution et du réchauffement climatique. Les femmes paysannes sont les plus exposées aux processus de dépossession et d'appauvrissement, aux différentes ressources agricoles, dont l'eau et la terre.

Les partisans de la régression n'ont pas encore gagné et les prochaines élections auront une portée cruciale... L'élection présidentielle de 2019 aura lieu le 15 septembre.

Il reste certes beaucoup à faire pour que la Tunisie se montre en harmonie avec la grandeur de sa tradition réformatrice.

Le rôle et la cause des femmes seront prédominants : les femmes sont le nerf de la paix !

La Tunisie a été l'élément moteur du printemps arabe. Elle est tout indiquée pour l'être aussi pour la cause des femmes.

Danièle NOËL

Présidente MoDem 54

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